Evaluation des programmes politiques à l’élection présidentielle de 2025:Réponse aux observations des lecteurs

Réponse aux observations des lecteurs
sur le « document d’évaluation des programmes politiques à l’élection présidentielle de 2025 » du GPE
Programme de Formation en Gestion de la Politique Économique (GPE) — Université de Yaoundé II
« Il n’y a de scientifique que le réfutable ». Tel est le principe épistémologique que pose Karl Popper, comme fondement de tout débat scientifique. Ce principe, aujourd’hui admis par toutes les disciplines scientifiques, signifie que toute proposition et toute conjecture scientifique doivent se soumettre au test de la réfutation. C’est en vertu de ce principe que les auteurs du Document Évaluation économique des programmes des candidats à l’élection présidentielle de 2025 reçoivent positivement les diverses appréciations, observations et critiques qu’a suscité ce travail de la part des lecteurs. Ces observations et critiques sont d’autant plus bienvenues qu’elles permettront d’améliorer ce travail qui est un projet de long terme, et dont le présent document n’est qu’un début, point de départ d’un investissement que le GPE a l’ambition d’inscrire dans la durée. Les auteurs, en commençant par le coordonnateur du travail que je suis, assurent de leur entière disponibilité à exécuter le cahier de charges que cela implique.
L’ambition du GPE est en effet de procéder désormais aussi bien à l’évaluation des programmes de politique économique proposés et/ou appliqués en Afrique par les gouvernements, mais aussi d’analyser les programmes proposés par les candidats aux différentes échéances électorales, en particulier les échéances nationales que sont l’élection présidentielle, et les élections législatives, sénatoriales et régionales. La raison en est que c’est à l’occasion de ces échéances que les formations politiques exposent leur vision, et les programmes qui en sont les projets de traduction dans les faits. Il découle de ce qui précède que ce qui a été fait, s’agissant de l’élection présidentielle de 2025 au Cameroun, devrait, à l’avenir, se faire aussi pour d’autres pays africains, et pour les échéances suscitées.
Ce faisant, et conformément à son mandat, le GPE, et à travers lui l’Université, voudrait, d’une part, aider les citoyens à mieux structurer leur appréciation et leur choix par rapport aux offres politiques qui leur seraient présentées. D’autre part, il est question de faire prendre conscience aux auteurs de ces offres de la nécessité de s’imposer une exigence de rigueur et de cohérence dans la formulation de leurs offres, et donc de mobiliser l’expertise que cela implique. Ces précisions étant faites, nous voudrions ci-après apporter quelques éléments de réponse à certaines observations et critiques de certains lecteurs, tout en souhaitant que le débat continue pour que la pertinence des prochaines études soit encore plus grande. On regroupera ces observations et critiques en deux catégories, méthodologique d’une part, de fond d’autre part.
I. Observations et critiques d’ordre méthodologique
Nombre de lecteurs du document se sont interrogés sur les aspects méthodologiques. Certains lecteurs ont ainsi interrogé, pour le déplorer, la longueur du document. Un des lecteurs attire l’attention sur ce point, pour s’en plaindre, en écrivant : « Je ne comprends pas comment nos intellectuels n’ont pas un esprit de synthèse. Qui va lire 100 pages ? ». En fait la réponse à cette interpellation se trouve en tout début du document, avec le résumé exécutif en français et en anglais, qui fait justement la synthèse réclamée par notre lecteur critique. Ce résumé exécutif fait précisément cette synthèse qu’il réclame, montrant bien que les auteurs étaient conscients de ce que tout le monde ne lirait pas la totalité des 100 pages. Même lorsque certains le feraient, la tâche leur serait facilitée par la lecture préalable de ce résumé exécutif qui plante le décor, et expose clairement l’objectif de l’étude, sa méthodologie et les instruments mobilisés, tout autant qu’il donne la synthèse des résultats obtenus par l’analyse. Et point important, afin que nul n’en ignore, les auteurs mettent en exergue et attirent l’attention, – et le résumé le fait d’emblée, – sur la portée et les limites de l’exercice, en écrivant :
« Cette méthode ne prétend pas capter toute la complexité des programmes, mais elle permet de comparer les candidats sur une base commune et transparente. »
Et ces limites sont encore plus explicitées dans le document, notamment en p.30.
C’est d’ailleurs à ce niveau que les auteurs anticipent sur une observation revenue de manière récurrente, celle du temps consacré à sa réalisation, que beaucoup de lecteurs, à la suite des auteurs eux-mêmes, ont, avec raison, trouvé trop court. Les auteurs eux-mêmes reconnaissent en effet, qu’« Une période d’analyse plus longue et initiée en amont aurait permis une analyse approfondie des programmes des candidats à l’élection présidentielle, mais également d’offrir à ces derniers la possibilité d’effectuer une auto-évaluation de leur proposition et d’apporter des ajustements nécessaires. Par ailleurs, compte tenu du caractère pédagogique, cette étude mériterait d’être prolongée sur d’autres dimensions en dehors du prisme purement économique ». Ce constat fait par les auteurs eux-mêmes, est non seulement la preuve d’une part, de la conscience, qu’en tant que scientifiques, ils ont, des limites du travail présenté aux lecteurs, et donc de la pertinence de l’observation critique faite sur ce point par ces derniers, mais au-delà, constitue un engagement moral qu’ils prennent d’y remédier, et surtout d’approfondir le travail, en l’élargissant à d’autres champs et à d’autres enrichissements méthodologiques et instrumentaux. Le lecteur a ainsi des éléments pour apprécier, dans le futur, la capacité des auteurs à tenir cet engagement et à juger si le cahier de charges aura été rempli.
Un dernier point sur lequel il me paraît important de revenir, même si les lecteurs ne s’y sont pas attardés, concerne le positionnement épistémologique et scientifique du travail. Ayant coordonné le travail, je dois avouer que l’obligation de mieux présenter le positionnement épistémologique et scientifique de l’étude n’a pas été tout à fait bien remplie, et nous devons nous en excuser auprès des lecteurs, en nous engageant à mieux faire pour les prochaines études. En effet la prétention scientifique assignée à l’étude mérite d’être mieux justifiée, pour que le lecteur ait les éléments d’appréciation pertinents, tant de ce qu’apporte le travail, que des limites de l’exercice.
Sur le plan épistémologique, la prétention scientifique revendiquée par le travail implique que nous soyons explicites sur les raisons qui la justifient, et qui permettent d’ouvrir le débat sur la portée et la crédibilité du travail, et l’appréciation que ceux qui le reçoivent, peuvent en avoir. C’est cela la soumission au test de réfutation, rappelé en introduction.
Cette exigence a commencé à être remplie par ce travail, avec les développements sur la méthodologie et la grille d’analyse, mais elle devra aller plus loin, en exposant au lecteur, les autres grilles possibles d’analyse, et les raisons de la préférence accordée à celles-ci, et pas à celles-là. Il faudra d’autant plus le faire que les auteurs reconnaissent eux-mêmes, implicitement, l’intérêt d’élargir l’analyse à d’autres champs disciplinaires, telle que le droit et la science politique, tant il est vrai que les programmes de politique économique sont tributaires de la qualité des institutions et de la règle de droit; plus encore, de la manière dont les institutions fonctionnent et dont la règle de droit est appliquée. La lecture et l’appréciation du document doivent de ce fait être entreprise, sous la clause épistémologique « toutes choses étant égales par ailleurs ». Engagement est ainsi pris pour que toutes ces choses, soient effectivement prises en compte dans les travaux à venir.
S’agissant du positionnement scientifique et en complément de ce qui vient d’être dit ci-dessus, il est important de souligner, en y insistant, que le document offert au lecteur, se situe dans le prolongement d’un vaste champ analytique ouvert en économie, depuis les années 1970, par les travaux pionniers de Stigler[1] et Nordhaus[2], qui ont, les premiers, engagé la réflexion sur la manière dont les électeurs déterminent leur choix et donc leur vote, en faveur de tel ou tel programme et donc en faveur de tel ou tel candidat. Ainsi s’est par exemple développée l’analyse en termes de cycle politico-économique, donnant naissance à une multitude d’approches, telles que celles de la satisfaction et du stock de popularité, de marché politique, de la fonction de réaction politique, de l’électeur médian, pour n’en citer que quelques-unes[3]. Les premières applications à des expériences concrètes ont été faites sur les expériences de la Grande Bretagne et de la France, avec, dans ce dernier cas, le chiffrage du coût du Programme Commun de la Gauche, avant les élections de 1981, qui ont porté au pouvoir le Parti Socialiste de Mitterrand et ses alliés.[4]
Le travail entrepris dans ce document présenté au lecteur, s’inscrit donc dans un champ scientifique, richement exploré depuis des décennies par les économistes, et que nous avons voulu appliquer au cas du Cameroun, avec l’objectif d’approfondir dans le futur, et bien avant les échéances électorales, l’analyse des programmes et offres politiques des formations politiques, les obligeant à mieux les articuler, en en mesurant les implications, et leur faisant prendre conscience qu’il s’agit ce faisant, d’un investissement lourd qui emporte la mobilisation de capital humain et de capital financier et logistique, et ce, bien en amont des échéances. Ce travail se situe aussi en aval de toute la réflexion qui a été engagée dans nos pays sur la gouvernance, et dont le Programme National de Gouvernance a été en son temps l’illustration,[5] tout autant que dans le prolongement des réflexions critiques adressées par des économistes africains aux plans d’ajustement structurel imposés à nos pays dans les années 1990- début des années 2000[6], programmes qui continuent d’ailleurs à s’y appliquer sous diverses formes, et sur les nouveaux enjeux économiques sur lesquels les politiques doivent se prononcer.
II. Observations et critiques sur le fond
Nous aborderons cet aspect des observations reçues, par une mise au point qui permet de faire justice, en la rejetant fermement, de cette appréciation faite du document, par un lecteur, et pour autant qu’il l’ait lu, sans doute pour le disqualifier, à partir du seul fait que Mme la Directeure du GPE, Pr Viviane Biwolé, serait « encartée », affirmant ainsi implicitement que Mme la Directeure du GPE aurait la carte du parti au pouvoir. Ce faisant l’auteur de cette appréciation a-t-il voulu dénier toute crédibilité à ce travail, du seul fait de cette appartenance. Une telle appréciation est inacceptable et relève, non seulement du procès d’intention, mais encore plus, d’un terrorisme intellectuel qui n’honore pas son auteur. D’une part, l’affirmation, aussi péremptoire qu’elle soit, ne repose sur aucune preuve, et d’autre part, quand bien même cela serait le cas, cela ne donne pas le droit d’enlever injustement à Mme la Directeure, son droit d’exprimer son opinion, qui pourrait justement donner lieu à réfutation. Aucun débat sérieux ne peut en effet être conduit à partir de telles a priori qui dénient à l’autre, le droit de s’exprimer et d’avoir ses opinions, surtout quand on n’apporte pas la preuve que ces opinions personnelles ont influé sur l’analyse, en la biaisant. Bien plus, dans le cas du présent travail, Mme la Directeure n’en est pas l’auteure, même si elle en assume la responsabilité morale, du fait de sa fonction, et c’est en toute indépendance, que les auteurs ont travaillé, en leur âme et conscience, sachant qu’ils engageaient leur crédibilité scientifique, donc disposés qu’ils acceptaient, à se soumettre au test de la réfutation. Cette mise au point étant faite, venons-en aux observations et appréciations critiques portées par les uns et les autres que nous voudrions à nouveau remercier pour cette contribution au débat et à l’amélioration du travail.
Une des principales critiques faites est relative à l’aspect bilan, les uns et les autres relevant le biais que cela induit, en faveur du statu quo. Un des lecteurs formule la critique ainsi qu’il suit : « Une absence de questionnement du bilan historique des politiques passées, pourtant cruciale pour juger de la crédibilité des engagements futurs, surtout pour le parti au pouvoir. Un léger biais en faveur du statu quo, le cadre d’analyse favorisant la continuité au détriment de propositions de rupture potentiellement nécessaires et source de vitalité. Le cadre de l’analyse tend implicitement à vendre une vision conservatrice de la politique économique. En somme, le document offre une base de discussion mais peut donner le sentiment d’un marketing du statu quo et de la fatalité ». Cette formulation résume, avec toute la force et la pertinence nécessaire, l’une des critiques majeures faites au document, et mérite que l’on s’y arrête. Elle oblige à apporter quelques précisions par rapport à ce qui a été fait, et surtout à mieux articuler les analyses futures.
S’agissant du bilan, celui-ci a été fait, les développements y consacrés faisant en effet l’objet du point I, « Contexte et cadre d’analyse ». Ce point fait un état des lieux de la situation macroéconomique du Cameroun, en prenant pour base les données de l’Institut National de la Statistique, en particulier des Comptes Nationaux, de la BEAC, du FMI, de la Banque Mondiale, et notamment du Baromètre Economique de la CEMAC 2024, publié par cette dernière. Ainsi après avoir rappelé qu’ « en 2025, l’économie camerounaise maintient une trajectoire de croissance modérée, … avec un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) réel estimé à +3,9% contre +3,5% en 2024, » le document souligne aussi, en prolongement de ce constat quant au rythme de croissance, « la faiblesse structurelle de cette économie qui peut encore être mieux appréciée en se référant aux contributions sectorielles à la croissance » caractérisée par la faiblesse de la contribution des secteurs primaire et secondaire dont, s’agissant de ce dernier, l’analyse reprend à son compte, ce qu’en dit l’INS qui parle « d’un secteur secondaire en perte de vitesse » et ce, au profit du secteur tertiaire que les auteurs qualifient de « tertiaire du pauvre », parce que dominé par les activités d’import-export et l’informel. Ceci qui explique, selon le document, « que le déficit extérieur se creuse d’année en année, consolidant son caractère structurel, lequel en fait une économie peu créatrice de valeur ajoutée ». Les auteurs en concluent, en toute logique, que « le rythme de croissance observé tout autant que la contribution sectorielle à la croissance sont par ailleurs significatifs d’une régression de cette économie, par rapport à l’évolution observée pendant les décennies 1970 et 1980, où elle a connu une croissance contracyclique par rapport à une économie mondiale alors affectée par les effets négatifs des deux chocs pétroliers ».
Le document rapproche à cet effet ce rythme de croissance actuel à ce qu’il en était dans les années 1975-1985 où, relève l’analyse, « le taux réel moyen de croissance est de 7,5%, montant certaines années à 8,5% comme en 1977, et à 10,1% en 1979 »[7] Le document en conclut que « notre rythme de croissance actuel est illustratif de ce que les économistes qualifient de « croissance appauvrissante », en ce que la croissance ne se traduit pas par une amélioration significative des conditions de vie des agents économiques ». Après avoir rappelé les évolutions structurelles de cette période, caractérisées par une forte croissance de la part de la FBCF, dans le PIB, le document en conclut que l’évolution observée ces dernières années, « est en fait significative du délitement du tissu industriel mis en place dans la période 1975-1985 ».
S’agissant des finances publiques et de la dette par exemple, les auteurs font ce constat : « Les finances publiques restent sous tension. Le budget de l’Etat est porté à 7317,7 milliards de FCFA en 2025, mais les dépenses totales (5563,6 milliards) continuent de dépasser les recettes (5548,1 milliards), entrainant un déficit de -113,3 milliards (loi rectificative 2025). La structure des dépenses demeure rigide avec une part prépondérante accordée aux charges courantes, à savoir, salaires (1586,6 milliards), biens et services (1028 milliards), et le service de la dette (378,2 milliards), au détriment de l’investissement public ».
S’agissant de la dette, l’analyse relève que : « la dette publique directe s’élève à 13 115 milliards de FCFA, soit 40% du PIB, en hausse de 1055 milliards sur un an. Le service de la dette qui absorbe une part croissante des ressources publiques, s’est élevé à 631,3 milliards de FCA en juin 2025. Les dettes extérieures en représentaient 76,4%. Selon les critères de convergence de la CEMAC, le Cameroun se situe en-deca du plafond autorisé et remplit donc formellement cette condition ». Mais le document, à juste titre, poursuit en relevant que « pour une analyse pertinente, il est cependant nécessaire d’aller au-delà de ce simple constat. En effet, le critère de convergence se focalise sur le stock de la dette, sans prendre en compte des éléments essentiels tels que la structure des créances, leur échéancier, les conditions de prêts (taux d’intérêts, caractère lié ou non,), ou encore la qualité de l’utilisation des fonds empruntés. Lorsqu’on intègre ces paramètres, le ratio de dette de 40% place l’économie camerounaise face à d’importantes vulnérabilités. Ces tensions se manifestent notamment par l’augmentation des retards de paiement (RAP) de plus de trois mois qui ont progressé de 145 milliards de FCA, signe des difficultés persistantes de trésorerie (MINPAT, 2025) ». En d’autres termes, l’étude complète l’analyse de stock, par une analyse de flux.
Le rappel des constats faits par l’analyse, tout en faisant justice de ce que les auteurs de l’évaluation ont effectivement esquissé un bilan historique des politiques passées, dont les observations critiques des lecteurs soulignent, à juste titre, l’importance, ne remet pas pour autant en cause la pertinence de ces observations critiques, en ce que les conséquences n’en ont pas été suffisamment tirées, pour la notation globale. Il faut en effet admettre, s’agissant de la notation, en particulier de la note globale attribuée aux différents programmes, que celle-ci ne tire pas assez les implications des constats de l’analyse, tels que rappelé ci-dessus.
Dans ce type d’exercice, en effet, une des caractéristiques des analyses, est que le programme des gouvernants en place, bénéficie de ce que les économistes appellent, « la prime du sortant ». Celle-ci tient à des raisons tout à fait objectives. L’une de ces raisons est que le gouvernement sortant bénéficie d’un capital d’expertise dont tout le monde, y compris ses concurrents, supportent la charge, par le biais des impôts. De ce fait, et parce que parmi les critères entrant dans la notation globale, on tient, entre autres, compte de la cohérence du programme, du chiffrage des engagements et des promesses, de la faisabilité dans le contexte budgétaire, et de l’expérience, un biais se produit inévitablement en faveur du candidat sortant. C’est cela la fameuse « prime du sortant » à laquelle de nombreuses études ont été consacrées[8]. Celle-ci est encore plus renforcée, dans les pays africains en particulier, et par conséquent au Cameroun, par le fait que le sortant, bénéficie, parfois malgré lui, de l’expertise internationale, notamment du FMI, de la Banque Mondiale et des bailleurs de fonds, qui peuvent d’ailleurs la lui imposer, à travers leur système de conditionnalités.
Ce biais, dont il faut être conscient, doit cependant être compensé par une meilleure prise en compte du bilan historique, qui doit de ce fait être porté au passif, tout autant qu’à l’actif, du sortant. Ainsi le fait que les prétendants au pouvoir, surtout ceux ne l’ayant jamais exercé, soient objectivement défavorisés parce que leurs promesses, et donc leurs programmes, tiennent d’abord et essentiellement du discours, n’ayant pas encore eu la possibilité d’être soumis à l’épreuve des faits, et n’ayant donc pas de bilan susceptible d’être mis à leur actif ou à leur passif, implique que, a contrario, le sortant, lui, soit confronté à son bilan, en ce qu’il a de positif et de passif. En d’autres termes, ce qui fait la faiblesse des uns fait la force des autres, et vice versa.
Dans l’analyse que propose le document, l’objectivité conduit à reconnaître que cet exercice de compensation mériterait d’être approfondie et mieux pris en compte, et le coordonnateur du travail que je suis, assume la pleine responsabilité de cette limite analytique, tout en plaidant la circonstance atténuante du temps court, déploré, par les uns et les autres.
C’est en effet la responsabilité du coordonnateur de s’assurer de l’effectivité de cet exercice qu’il doit d’ailleurs lui-même réaliser, en veillant à une bonne prise en compte du bilan, dans la détermination de la note globale.
Il importe cependant de relever, à contrario, et à l’actif de cette étude, que dans cette évaluation, l’analyse sectorielle corrige déjà, amplement, l’effet pervers du biais de la prime du sortant, elle qui montre que nombre de programmes des compétiteurs autres que le sortant, ont des scores égaux ou meilleurs que ceux de ce dernier, dans des thématiques importantes telles que la gouvernance économique, les préoccupations environnementales, les enjeux de diversification économique et la transformation structurelle du système productif.
On a pu aussi reprocher au document d’avoir utilisé le SNDC 30 comme proxy pour le parti au pouvoir. À cette objection, nous répondons que le SND 30 est un bon proxy, en ce qu’il est assumé par le sortant comme son initiative programmatique, ce qui nous ramène à la question du bilan et de sa prise en compte pour relativiser la note globale du sortant, d’autant que comme le relève le document, et à titre d’illustration, la note du sortant, sur le secteur financier, rend compte « des limites identifiées , notamment sur la faisabilité budgétaire et la capacité institutionnelle », thématique sur laquelle tels concurrents performent nettement mieux.
III. Conclusion
Les auteurs, par ma voix et en raison de ma posture de coordonnateur, de l’étude, voudraient exprimer leur gratitude à tous ceux qui ont pris de leur temps, non seulement pour lire le document, mais aussi, faire part de leurs appréciations et de leurs observations critiques. Ils sont très heureux que leurs commentaires aient ouvert un débat aussi riche, dont ils espèrent qu’il ne sera pas clos, mais se poursuivra. Ils s’engagent à assurer la continuité de ce travail en l’élargissant à d’autres disciplines dont l’intégration des spécialistes à l’équipe initiale, ne pourra qu’enrichir, en l’approfondissant, la réflexion.
Ils regrettent cependant que les délais de réalisation de cette évaluation n’aient pas permis que la réflexion ainsi engagée soit mise à la disposition des compétiteurs, pour les aider à prendre conscience, autant de la part de richesse analytique qui se trouve dans leurs programmes, que des limites sur lesquelles ils auraient pu approfondir la substance et la consistance de leurs offres politiques.
Se tournant vers l’Institution, les auteurs expriment leur dette envers le GPE et sa Directeure, – et par-delà, à l’autorité académique de l’Université de Yaoundé II, – pour avoir pris l’initiative et encouragé la réalisation de cette étude, tout en laissant les auteurs travailler en toute indépendance. C’est en contrepartie de cette indépendance que ceux-ci, par ma voix, assument aussi l’entière responsabilité des limites relevées, qui, de ce fait, nous sont totalement imputables.
Pr Bekolo-Ebé Bruno
Agrégé des Facultés de Sciences Économiques et de Gestion
Recteur Honoraire des Universités de Yaoundé II et de Douala
Président de la Société Camerounaise des Agrégés
À propos de l’équipe de rédaction et des contributeurs
- Supervision administrative : Pr Viviane Ondoua Biwolé, Pr Titulaire en Science de Gestion, Directeure du GPE
- Coordination scientifique : Pr Bekolo-Ebé Bruno, Recteur honoraire, Pr Titulaire en Sciences Économiques, Président de la société camerounaise des agrégés
- Équipe : 4 Professeurs Titulaires agrégés en Sciences Économiques, 3 Maîtres de Conférences Agrégés en économie, 5 doctorants en économie